Pour nous, pêcheurs de cette rivière que nous aimons tant, la frustration est grande.
Le niveau de la Marne est très haut, le courant parfois violent et l'eau se trouble à la moindre pluie.
Le moins que l'on puisse dire c'est que l'ouverture du brochet ne s'est pas faite dans les meilleures conditions. Pouvons-nous, cependant, attendre des jours meilleurs ?
L'un de mes coups de pêche, fin avril, avant l'ouverture.
Le même coup, photographié hier.
Quant à mon second coup, c'est encore pire.
Une vue d'ensemble résume hélas la situation.
Fin avril d'abord:
La même rivière photographiée hier.
Nous sommes tributaires du lac réservoir du lac du Der qui doit, en principe, jouer un rôle de régulateur du niveau de l'eau.
- Soulager en hiver pour limiter l'effet des crues.
- Restituer pour maintenir le débit dès que la période de remplissage est terminée.
Mais, cette année, compte-tenu des précipitations incessantes qui ont gorgé les nappes phréatiques, imbibées le sol qui n'absorbe plus et, surtout, d'une situation qui ne s'arrange pas, nous risquons de voir les conditions actuelles, proches de la catastrophe, perdurer encore pendant des semaines, voire pendant des mois.
J'ai sélectionné pour vous une information émanant de "France 3 Champagne-Ardenne" qui ne peut pas nous rendre optimistes.
La presqu'île de Champaubert. Habituellement, on se promène sur la digue qui borde l'église reconstituée.
Depuis sa création, je n'ai jamais vu le lac réservoir du Der, que je connais bien et fréquente assidûment, à ce niveau de remplissage.
© France 3 Champagne-Ardenne
Ce lundi matin 6 mai 2013, le lac du Der, qui a une capacité maximale de 364,5 millions de m3 d'eau, était rempli à 356,76 M de m3, bien au-dessus du plus haut niveau du volume normal de la tranche d'exploitation qui se limite à 350 millions de m3.
Mais pour soulager la crue en cours le canal déversoir vers la Marne a été ouvert tandis que les eaux prélevées en amont de Saint-Dizier (Haute-Marne) ont été déversées dans le lac .
Le lac-réservoir étant plein, il est en passe de ne plus pouvoir assurer son rôle de régulation des flux. Le terme technique est 'transparent": un lac-réservoir "transparent".
Les quatre lacs-réservoirs ont été créés dans les années 1950-1970 pour protéger la capitale d'inondations exceptionnelles, suite à la crue centennale de 1910 : la Seine, gonflée par ses affluents, était montée à 8 mètres 62, le 28 janvier 1910.
Le lac du Der sera plein à 100% en fin de journée du mardi 7 mai 2013.
Le remplissage, quoi qu’il arrive, sera interrompu le mercredi 8 mai 2013.
L'ouvrage peut déverser jusqu'à 375 m3/seconde dans la Marne mais aussi jusqu'à 33 m3/seconde par un canal secondaire à partir de la Blaise : soit près de 80% du débit maximum connu.
Normalement, le lac réservoir limite ainsi les inondations en Haute-Marne, ainsi que dans les vallées de la Marne et de la Seine.
La situation actuelle est exceptionnelle
Exceptionnelle, dans la mesure où les 4 lacs réservoirs en amont de Paris ont atteint leurs capacités de rétention maximales tandis que les affluents sont pour la plupart en vigilance jaune et orange.
Une situation que l'on qualifie de critique.
Sans les lacs-réservoirs on peut, sans trop se tromper, dire que Paris serait déjà en ce moment en pleine crue centennale.
Comprendre à quoi sert le lac du Der
Le lac-réservoir Marne (lac du Der) est l'un des plus grands des 4 lacs réservoir en amont de Paris. Il est destiné à protéger Paris d'inondations exceptionnelles comme la crue centennale de 1910 mais aussi à soutenir le niveau de la Marne en période d’étiage pour alimenter les stations de pompage qui fournissent l’eau à plus de 150 communes en amont de la capitale et pour permettre le transport des marchandises par péniches.
© seinegrandslacs.fr
Etat de remplissage des lacs
Pour nous, pêcheurs, quelles peuvent être les conséquences sur la Marne en amont du confluent avec la Seine ?
Si la situation actuelle perdure, le niveau ne baissera pas et considérant le temps d'hier, d'aujourd'hui et les prévisions à venir, les réservoirs ne régulent plus rien.
De plus, la gestion de l'eau est annuelle donc quoi qu'il arrive, la vidange se fera dans les mois à venir pour prévenir la saison prochaine. L'énorme quantité d'eau actuellement stockée sera restituée à la Marne même si le niveau doit être particulièrement haut durant la fin du printemps et l'été.
Nous ne souhaitons pas une soudaine période de sécheresse mais c'est pourtant la seule chose qui pourrait nous permettre d'entamer une saison déjà compromise.
Ne parlons pas de la fraie ! Le blanc est en pleine période de reproduction. Les derniers poissons pris fin avril avaient la tête couverte de boutons de noce et, habituellement, j'annonce les premiers alevins aux environs du 25 avril. Cette année, même dans les rivières tranquilles, je n'en ai pas encore vu ce qui s'explique sans doute par un réchauffement tardif pour atteindre la température propice.
Quant aux rivières en crue ou presque, les oeufs peuvent être entraînés par le courant et après les éclosions, les alevins ne résisteront pas sauf en se réfugiant dans les zones calmes et peu profondes où ils seront la proie des prédateurs.
J'ai déjà vu, ces jours derniers, les cormorans s'en donner à coeur joie.
L'an dernier a déjà été difficile mais deux années consécutives ne seront pas sans conséquences sur la reproduction et sur le comportement des poissons âgés de plusieurs années dont le cycle sera bouleversé.
Il faudra bien nous adapter ou être patients en attendant des jours meilleurs, mais combien d'années cela va-t-il durer ?
Les crues sont certes nécessaires pour les rivières mais à situation exceptionnelle, conséquences inhabituelles.