J'ai déjà consacré plusieurs articles à cette pêche qui, pour moi, est l'une des plus belles des rivières de plaine à courant lent.
Bien que ce soit, par excellence, la pêche de référence de mon adolescence, il y a bien deux ou trois ans que je ne l'avais pas pratiquée, faute de trouver le coup qui me paraissait le plus approprié.
Profitant d'une période creuse au cours de laquelle nos amis pêcheurs, lassés de ne pas voir une touche de la journée, délaissent presque totalement les rives, j' ai profité de l'occasion qui m' a permis de préparer ma place plusieurs jours à l'avance sur un ponton d'ordinaire très fréquenté par les pêcheurs de barbeaux et d'y tenter ma chance sans risquer de la trouver occupée.
Le choix du coup :
1- Etre le seul à y pêcher. Un coup bien préparé peut donner des résultats superbes mais si un confrère vient y pêcher à la farine, au blé ou au maïs, il n'y a plus qu'à changer de crèmerie.
2- Choisir un fond de 3 à 4 mètres en pente douce se relevant en fin de coulée.
3- Rechercher un courant lent parallèle à la rive.
La préparation du coup :
Le premier jour : Quelques pains de chènevis fabriqués par mes soins et quelques boulettes de chènevis grillé et broyé aggloméré avec de la farine d'arachide.
Les jours suivants:Uniquement des pains de chènevis maison et quelques poignées de grains cuits entiers dispersés à la volée.
L' esche :
La graîne de chènevis, bien évidemment.
Je ne reviendrai pas en détails sur la cuisson du grain qui est l'étape essentielle et le gage de réussite. J'en ai déjà abondamment parlé et chacun pourra, s' il le souhaite, se reporter aux articles de ce blog.
En bref, donc :
- Toujours utiliser du grain cuit dans la journée.
- Faire cuire le grain couvert d'eau à feu doux jusqu'à ce que les premiers germes apparaissent.
- Arrêter la cuisson, placer le grain dans une passoire et rincer abondamment à l'eau froide.
- Laisser tremper la graîne jusqu'à la partie de pêche.
- Toujours escher avec un germe blanc bien apparent. Si tel n'est pas le cas, votre esche peut rester toute la journée à votre hameçon sans qu'il soit nécessaire d'escher à nouveau : Vous ne verrez pas une touche.
Aujourd'hui, on trouve dans le commerce du grain de 4, appelé "monstre" qui fait pitié à côté du grain que j'utilisais à 15 ans.
J'ai toujours gardé en mémoire une anecdote de mon adolescence: Lorsque j'arrivais en vacances, à CLAIRAC, dans le Lot-et-Garonne, ma première démarche consistait à me rendre chez Madame CARRIER, graînetière de son état et à acheter du chènevis. Inlassablement, la brave dame me demandait avec son accent chantant qui résonne encore à mes oreilles: " C'est pour la cage ou pour la pêche ? " Et, après ma réponse, elle me sortait du grain gros comme des lentilles comme je n'en ai plus jamais vu.
Le matériel :
Bien évidemment, la position idéale demeure la pêche en barque mais mettez-en une en Marne et quelques jours plus tard, vous me donnerez des nouvelles...ou plutôt, vous irez en acheter une autre ! Triste époque !
Aujourd' hui, j'ai choisi une canne fortement tiercée de 4,50 mètres, longueur suffisante pour pêcher sur un ponton qui avance de plus de deux mètres jusqu'au ras des herbiers.
La banière doit être courte pour répondre instantanément aux touches profondes mais extrêmement brutales. Pour ma part, j' ai laissé 30 centimètres, même si celà raccourcit ma coulée. Dans ce cas, c'est le "rappel" qui fait le "travail".
Corps de ligne en 10 centièmes, plume filiforme parfaitement équilibrée à 2 grammes aujourd'hui parce que le courant était légèrement soutenu mais je choisis souvent 1,50 gramme . Bas de ligne en 8 centièmes terminé par un hameçon de 15.
L'action de pêche :
Toujours débuter la partie en dispersant plusieurs bonnes poignées de grains en tête de coulée pour rassembler le poisson.
En action de pêche, jeter une petite pincée de grains sur la plume au début de chaque coulée, avant même qu'elle ne quille.
La coulée s'effectue banière tendue en procédant à de nombreuses retenues suivies de relachers. Certaines de ces retenues doivent être particulièrement marquées au point de sortir la plume de l'eau et de la reposer à plat une quinzaine de centimètres en arrière. En fin de coulée, toujours effectuer une retenue prononcée.
Ces retenues constituent la particularité de cette pêche. Elles ont pour effet d'animer le grain. Celui-ci remonte au moment de la retenue et semble libre lors du relacher. C'est d'ailleurs souvent à ce moment que se produit la touche...et pour cause...puisque le gardon se saisit du grain qui semble lui échapper et la plume qui reprend sa position de pêche est entrainée par le poisson qui a brutalement engamé l'esche.
L'eschage pose parfois problème à quelques amis pêcheurs et pourtant, avec un minimum d'entrainement il n'y a rien de bien difficile si le grain est cuit comme je le recommande si souvent pour que le germe soit apparent mais solide.
Pincer le grain pour écarter les cosses élastiques puis glisser l'hameçon en faisant ressortir le germe avec la pointe...C'est tout ! Avec un chènevis cuit à point, le grain est facile à poser, le germe reste intact et l'on peut poser sans courir le risque de faire une coulée hameçon nu.
Quant au résultat d'une bonne journée, jugez par vous-même !
Au vu de ces photos, il n'est pas difficile de se convaincre que la pêche à la graîne prétendue ne rapporter que des petits sujets est une légende. C'est bien souvent le contraire !
Les évènements possibles en cours de partie :
Le poisson qui était mordeur jusque-là cesse de prendre et les touches se raréfient :
Avant de plier bagage en supposant que la frénésie alimentaire est terminée, pensez aux hypothèses suivantes :
1- Le fait de graîner à chaque coulée a pour conséquence de faire monter le poisson à la rencontre du grain. Dans ce cas, le grain esché passe en-dessous du groupe.
Remède : Enlevez du fond. Il arrive souvent que l'on retrouve alors une cadence normale.
2- Rendue prudente par les compères qui montent brutalement en surface, la troupe s'est retirée en fin de coulée et attend que le grain lui parvienne en dérivant.
Remède : Faites une retenue encore plus importante en fin de coulée, grainez plus en avant et, si possible, décalez-vous d'un mètre en aval.
3- Un (Ou plusieurs) brochets sont postés et attendent tranquillement que leur casse-croûte se rassemble.
Remède : Ayez avec vous une canne à brochet simplement plombée à 30 ou 40 grammes sans flotteur. Escher avec un gardon et dandinez devant vous. Si sieur Esox est là, ça ne fera pas un pli, il ne résistera pas une minute.
Pour être franc, celà m'est souvent arrivé et pour illustrer mon propos, celà a été le cas mercredi...non pas une fois, mais deux !(Merci le hasard ! )
Un gros bec de 58 cm au bout d' une heure puis un autre de 63 cm sur le coup de 18 heures. Simple remarque qui n'engage que moi : Si le blanc est particulièrement capricieux cette année en Marne, le brochet paraît abondant et bien disposé puisque ce dernier sujet est le 22ème que je prends depuis l'ouverture et les sessions à 2 ou 3 départs n'ont pas été isolées.
Amis de cet endroit que vous boudez en ce moment mais que vous avez parfaitement reconnu, je vous accorde sans peine qu'une journée comme celle-là est plutôt rare en ce moment. Comme d'habitude à la pêche, il fallait être là mercredi dernier et ce n'est peut-être pas près de se reproduire. En tout cas, pour moi, le plaisir pris est pris...Et c'est déjà beaucoup.
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