Permettez-moi, tout d'abord, de planter le décor :
Mardi 14 juillet, sur les bords de la Sauldre, à Romorantin.
Un pêcheur est en action, canne à coup à la main. Comme je le fais toujours, je m'approche mais je reste à une dizaine de mètres en arrière puis je m'accroupis sans dire un mot.
Je me connais ! Le traditionnel "Alors, ça mord ? " a le don de m'agacer au plus haut point et il n'y a pas de raison pour que ce ne soit pas le cas des autres.
Le pêcheur a le droit d'exercer en toute quiétude et je lui laisse toujours l'initiative de la prise de parole...
A l'évidence, j'ai affaire à un pêcheur à la graine. Ligne légère et bien équilibrée, retenues fréquentes suivies de relachés et deux ou trois gardons dans la bourriche mais durant sa coulée je ne vois pas de touche.
Lorsqu'il relève sa canne, il n'y a plus de graine à l'hameçon qu'il tente à nouveau d'escher. Il s'escrime sans succès avec un premier grain pris dans son pot en verre puis avec un deuxième puis un troisième et finit tout de même par en faire tenir un. Bien qu'il pose sa ligne en douceur, je vois (Lui aussi) que le grain s'est détaché avant de toucher l'eau.
Il peste gentiment, relève sa canne puis se retourne vers moi et dit : "Ah la pêche au chènevis, c'est amusant mais pour faire tenir un grain, quelle galère ! ". Moi, au premier coup d'oeil, j'ai compris : Son chènevis est trop cuit !
Comme il a entamé la conversation, je m'approche un peu, restant tout de même en arrière. "Votre chénevis ne tient pas ? Peut-être est-il trop cuit ? " Et le dialogue s'engage.
Initié depuis peu par l'un de ses amis, il maîtrise presque toute la technique : Préparation du coup au pain de chènevis, petite pincée de graines au début de chaque coulée, retenues fréquentes suivis de relachés, certaines plus prononcées en sortant la plume de l'eau et en la reposant à plat en arrière, retenue très prononcée en fin de coulée... Tout sauf ce maudit chénevis qui ne veut pas tenir !
Timidement, je dis: "Est-ce du chènevis cuit du commerce ou l'avez-vous fait cuire vous-même"...
Au coup d'oeil, je connais la réponse avant qu'il ne me la donne mais je me tais.
"Je ne sais pas le faire cuire, je l'ai acheté tout cuit !
- Ne cherchez pas, c'est la seule raison.
- Ah bon ? Vous savez le faire cuire ?
- Oui, si vous voulez, je vous en prépare pour demain.
- Bah, vous savez, on tient facilement à deux sur la place alors si ça vous dit, on se fait une petite partie ensemble !
Sûr que je ne me le suis pas fait dire deux fois et le lendemain, à 7 heures sonnantes, nous étions tous deux en place mais avec la graine que j'avais préparée. Ils étaient là et bien là nos gardons convoités. Peut-être mon compagnon ignorait-il les finesses de la cuisson mais pour la préparation du coup, chapeau ! Une touche caractéristique, brutale et profonde, à chaque coulée !
La cuisson de la graine est la clé de la réussite.
-PLacez votre graine couverte d'eau dans une casserole et faites cuire à feu doux en SURVEILLANT cette cuisson.
-Dès que les premiers germes blancs apparaissent, arrêtez la cuisson. N'attendez pas qu'ils soient sortis !
-Versez dans une passoire et rincez abondamment à l'eau froide.
-Placez les graines dans un pot en verre et remplissez d'eau (froide, bien entendu ). Ainsi cuisinés, les germes resteront fermes mais sortiront des cosses bien élastiques par trempage.
-N'utilisez que des graines cuites le jour même ou la veille au soir. Elles se corrompent très vite, repoussant alors plus le poisson qu'elles ne l'attirent et pourrissent votre coup.
N'UTILISEZ JAMAIS SIMULTANEMENT DES GRAINES CUITES DU COMMERCE POUR AMORCER ET DES GRAINES CUITES PAR VOS SOINS POUR ESCHER.
En effet et celà on n'y pense pas assez, les détaillants vous vendent toujours ou presque des graines inutilisables pour escher parce qu'elles ne tiennent pas à l'hameçon mais ils soignent tellement la présentation que tous les germes sont sortis et que l'ensemble est souvent aromatisé. Vous risquez donc de voir le gardon préférer votre amorçage et délaisser votre eschage.
J'ai déjà consacré un article à la pêche à la graine qui me tient tant à coeur parce que j'y ai fait mes armes de pêcheur adolescent confirmé...Peut-être n'avais-je pas suffisamment insisté sur la cuisson qui reste l'étape essentielle et sans doute la plus délicate....
Comment puis-je le savoir ? Par une coïncidence pour le moins étrange !
Mon compagnon d'un jour, aussi aimable et accueillant que le sont les gens du Nord, quelle que soit la région dans laquelle on les rencontre, connaissait ce blog.
C'est donc pour moi un honneur que de dédier cet article aux pêcheurs du Nord, de la Somme et du Pas-de-Calais.
|
Bonjour,
Vous avez parfaitement raison, Adrien et c'est la raison pour laquelle j'ai édité un article plus récent intitulé "La cuisson du chènevis, la clé de la réussite".